From: Commission.Jeunes-Chercheurs@obspm.fr Date: Fri, 25 Oct 2002 16:18:18 +0200 (CEST) Subject: Lettre aux doctorants et jeunes docteurs Lettre aux doctorants et jeunes docteurs ---------------------------------------- A tous les étudiants en DEA, doctorants, et jeunes docteurs en astrophysique ou dans les domaines qui s'en rapprochent.. Comme vous l'avez surement noté, la Commission Jeunes Chercheurs de l'Observatoire de Paris (CJC) (http://wwwusr.obspm.fr/commissions/cjc/) a récemment eu l'occasion de soulever certains des problèmes que rencontrent les doctorants et jeunes docteurs dans la poursuite de leur thèse, et surtout dans leur recherche de poste en astronomie et astrophysique. Nous avons été interviewés par une journaliste de Ciel et Espace, puis avons fait circuler une lettre plus explicative quant à la situation critique des doctorants et docteurs scientifiques en France ( pour plus de détails, le site de la SFAA a publié ces échanges sur cette page http://www.iap.fr/sf2a/). Notre but était à cette occasion d'attirer l'attention des chercheurs en poste sur les difficultés de leurs étudiants et leurs responsabilités vis-à-vis d'eux. Mais les chercheurs ne sont pas les seuls responsables du 'blues des docteurs'. Nous voudrions que chacun d'entre vous se rende bien compte des points suivants : 1/ Il faut se tenir au courant de ce qui se passe! Pour cela, il y a les listes obsdoc, sf2a-jc, la liste de diffusion de l'ABG (Association Bernard Gregory pour ceux qui n'ont pas suivi jusque là). Pour vous inscrire à tout ça, allez voir sur le site CJC. En vous inscrivant à ces listes, vous avez des informations sur les post-docs,les thèses, les formations proposées, les différents évènements dans le monde de l'astro pour les jeunes chercheurs, les problèmes qu'il peut y avoir avec telle ou telle fac, les vacations disponibles etc. Cela ne demande que 5 minutes, et cela vous permet de ne pas être isolé, et surtout de savoir un peu ce qui se passe dans le monde des jeunes chercheurs en astro. Pour les doctorants et futurs doctorants, le livret de la thèse, disponible sur le site CJC, vous permet d'éviter les écueuils classiques du thésard, et de préparer votre après-thèse. Dans le même ordre d'idée, lorsque les représentants étudiants vous contactent pour des informations, prenez 5 minutes sur votre recherche et lisez leurs mails avec attention; s'ils vous demandent votre avis sur des questions importantes, donnez-le, exprimez-vous, ne restez pas dans la passivité. Les actions entreprises par les représentants étudiants auprès de l'Ecole doctorale visent à améliorer la situation des doctorants, le dialogue entre eux et les chercheurs en poste, mais les représentants ne peuvent pas agir s'ils n'ont aucun information de votre part. A propos de représentation, le meilleur moyen de bien connaître la situation des jeunes chercheurs, et éventuellement essayer de l'améliorer, est de s'investir dans les différentes associations de doctorants, dans les commissions, ou d'être représentant de labo ou auprès de l'Ecole doctorale. Il est trop facile de protester lorsqu'on ne fait rien et ne propose rien. En résumé, si ce n'est pas déja fait, sortez donc de votre tour d'ivoire, ne faites pas ce que l'on reproche aux chercheurs en poste qui sont souvent seuls dans leur monde, en train de planer à 4000!! 2/ Pour évident que cela paraisse, nous voudrions vous rappeler que les problèmes ne peuvent se résoudre s'ils ne sont pas connus. Si vous avez des problèmes, surtout parlez-en autour de vous. Commencons par les étudiants en DEA : vous devez parler de vos projets à vos représentants et à des membres de l'Ecole Doctorale (enseignants, encadrants de TP/TD, secrétaires). En effet, ceux-ci tentent de préparer sur 5-6 ans (3 ans de thèse + 2-3 ans de post-doc) les recrutements en astrophysique en France, à l'aune des embauches passées, des sujets "prioritairement" définis lors de colloques de prospective, du gouvernement en place, et de beaucoup d'autres facteurs encore. C'est donc leur faciliter la tâche que de leur préciser vos projets : CNRS, Universite, CNAP, agences européennes (ESA, ESO), autres organismes de recherche, pas de recherche du tout et donc une thèse pour le plaisir, voyager ou avoir une expérience de chercheur... Evidemment, peu savent au niveau du DEA ce qu'ils veulent précisemment, mais d'en parler avec des personnes aguerries vous aidera à mieux connaître ces différentes carrières et donc à préciser vos projets. Ensuite les doctorants : PARLEZ. Voila. Tout est dit. Nous nous permettons d'insister lourdement sur ce point, car certains étudiants préferent se taire, croyant que tout ce qu'ils diront pourra être retenu contre eux, plutot que de dire ce qu'il se passe. Alors bien sûr, ce n'est pas facile. Mais tout de même, lorsque vous avez un problème, dites-le au moins à votre directeur de thèse ! Et si vraiment ceci n'est pas envisageable, alors parlez-en au representant étudiant de votre laboratoire, ou de votre formation doctorale. Ou alors, si ça non plus ne donne rien, parlez-en à la CJC. Dans tous les cas, parlez-en aux responsables de l'ED directement qui pourront vous aider et vous conseiller. Mais quoiqu'il en soit, PARLEZ -EN avant qu'il soit trop tard ! N'ayez pas peur non plus de parler de vos projets à votre directeur de thèse, même s'ils ne comportent pas de recherche. Ne vous enfermez pas dans une logique de silence, en pensant que 'ca va bien finir par s'arranger', généralement les problèmes ne s'arrangent pas en les enfermant dans un placard pour les ressortir au dernier moment. Bref, sans donner de leçon de morale, prenez vos responsabilités. 3/ Nous voudrions que chacun d'entre vous soit bien conscient qu'il n'y a que TRES PEU DE POSTES. Ceci étant dit, redit, et clair pour tout le monde, reprenons. Il y a environ 80 thèses en astrophysique soutenue chaque année en France, pour environ une vingtaine de postes par an : - en 2002, il y a eu 5 postes de maîtres de conférence (+1 à attribuer encore), 6 CR2 et 8 astronomes adjoints. - en 2001, il y a eu 4 postes de maîtres de conférence, 7 CR2 et 6 Astronomes adjoints - en 2000, il y eu 7 postes de maîtres de conférence, 3 CR2 et 10 astronomes adjoints. Pour enfoncer le clou, prenons une promotion de docteurs en astro (soit 80 personnes) de l'année n, et regardons-la 5 ans après la soutenance de thèse. Mathématiquement, seules 20 de ces 80 personnes sont chercheurs. Il n'est donc pas vraiment défaitiste ni irréaliste de dire que plus de la moitié des docteurs n'auront pas de poste dans la recherche publique. Alors même si vous êtes ultra motivé(e), et que vous pensez être ultra soutenu(e) par votre labo hyper influent, et indispensable au projet qui va révolutionner l'astronomie moderne, il serait de bon ton de réfléchir à ce que vous pourriez faire si vous n'aviez pas, par le plus grand des hasards (disons une chance sur deux) un poste dans la recherche publique. Il nous apparaît un peu étonnant et surtout très naïf d'arriver à Thèse +2 ou 3, et de n'avoir jamais réfléchi à un plan B. C'est bien avant qu'il faut y réflechir, dès avant la fin de votre thèse, avant de vous lancer sur la voie du post-doc! Il ne faut pas croire non plus qu'un poste vous est dû, juste parce que vous avez fait une thèse. L'Etat, c'est aussi une entreprise, qui recrute les gens dont elle a besoin et qu'elle peut payer. Les procédures de recrutement sont basés sur des thèmes scientifiques importants, des besoins de personnes à des endroit précis et prioritaires, et dépendent fortement de la politique de l'université/du corps/du laboratoire et des différentes pressions que ceux-ci peuvent exercer selon leur pouvoir d'influence. Personne n'est donc à l'abri des surprises, et le recrutement dans la recherche publique n'est pas quelque chose de 'juste'. Mieux vaut donc arriver préparé à une telle issue. Trouver un premier emploi à 33 ans après avoir fait 10 ans de recherches dans le public, et sans avoir la moindre connaissance du monde de l'entreprise est tout de même beaucoup moins évident que de trouver un premier emploi à 27 ans, après une thèse qui peut se vendre comme première expérience professionnelle, en ayant fait l'effort de connaître le monde extérieur. Donc, doctorants ou futurs doctorants, avant de vous précipiter sur la voie du post-doc, prenez quelque temps pour réfléchir à votre orientation, renseignez-vous sur les possibilités de poste, sans langue de bois si possible, afin de choisir votre voie en toute connaissance de cause. Nous savons que ce n'est pas facile de prendre le temps de faire cela lorsque l'on a à finir des calculs, publier, rédiger et faire des dossiers de post-doc, mais cela peut éviter des déconfitures. Il est aussi important de savoir que lorsque l'on n'est pas soutenu par un labo influent, il est quasiment impossible d'être recruté; alors faites-vous expliquer clairement et franchement vos chances dans votre labo ou dans celui dans lequel vous voulez postuler, et agissez en conséquence. Un autre point : il vous faut être persuadé(e) que décider de ne pas mener une carrière académique n'est pas un échec! Il faut descendre les chercheurs du piédestal sur lequel ils se sont mis eux-mêmes. Nous ne contestons pas l'interêt et l'attrait du métier de chercheur pour les doctorants et post-doctorants, mais trop de chercheurs (et donc de doctorants, influencés) estiment encore que seule la recherche est un choix de carrière valable. Sachez que si un emploi dans la recherche publique vous offre sécurité de l'emploi et très grande liberté d'action, le métier de chercheur peut sembler assez peu valorisant au point de vue rémunération, prise de responsabilité, prise d'initiative, ou évolution de carrière, et nécessite un passage obligé par de nombreux sacrifices pendant les années post-doctorales. En revanche, à bac +8, en tant que docteur en astrophysique ou autre discipline scientifique, pour peu que vous sachiez vous vendre, vous êtes une valeur appréciable sur le marché du travail, et les entreprises qui vont embauchent ne vous demanderont pas de montrer votre bonne volonté et votre motivation avec des années de galère : votre qualification et votre personnalité vous suffira pour 'mériter' votre emploi.... Pour les étudiants en DEA, renseignez-vous avant de commencer une thèse, sur les chances que vous donne votre sujet ou votre directeur de thèse, par exemple auprès de ses anciens doctorants ou des autres doctorants du labo!! 4/ Certaines formations sont en place qui vous permettent de connaître un peu le monde extérieur, l'entreprise, l'emploi, toutes ces choses là. Par exemple, des doctoriales sont organisées chaque année par toutes les grandes universités parisiennes, et leur annonce est transmise par l'ABG. Cela ne dure qu'une semaine, mais cela permet à tout le monde d'avoir entendu au moins une fois dans sa vie, les mots DRH, Production, Entretien de recrutement. Si vous faites une carrière académique par la suite, cela vous permet de ne pas trop être coupé du monde réel, et si jamais vous vous retrouvez dans l'obligation de chercher un emploi dans le privé, eh bien vous aurez l'air un peu plus au courant de ce qui se passe! Vous ne pouvez pas être pénalisé ou déconsidéré parce que vous participez aux Doctoriales, car ce n'est pas une manifestation de désinterêt ou de démotivation pour la recherche, mais simplement une ouverture d'esprit. Cela vaut la peine de prendre une semaine sur la sacro-sainte recherche pour s'ouvrir un peu au monde qui nous entoure! (Et même si le monde de l'entreprise vous débecte, dites vous bien qu'un jour faudra peut etre en passer par là..) En bref, sortez le nez du guidon, bougez-vous, renseignez-vous, soyez responsables et pensez à votre avenir, à votre après-thèse, après-postdoc, que ce soit dans la recherche ou pas, et surtout ne soyez pas passifs! Le pire est de se laisser porter par le courant.... La Commission Jeunes Chercheurs (CJC) P.S. : Site de la CJC : http://www.obspm.fr/cjc Pour s'inscrire aux listes de diffusion : http://wwwsio.obspm.fr/cjc/join.html Site JC de la SF2A : http://www-obs.cnrs-mrs.fr/EJC/index.html Site de la SF2A : http://www.iap.fr/sf2a/ Site de l'ABG : http://www.abg.asso.fr Commission Jeunes Chercheurs (CJC) __________________________________ Observatoire de Paris-Meudon Bat. 18 - 5 places Jules Janssen F-92195 Meudon web : http://www.obspm.fr/cjc e-mail : mailto:Commission.Jeunes-Chercheurs@obspm.fr